• Inauguration 12 juin 2014

Projet de paysage mémoriel à Dagneux dans l’Ain (01)

Le 12 juin 1944, des familles de Dagneux découvrent, dans une prairie, 21 corps étendus. Il s’agit de prisonniers de la prisons de Montluc, Lyon, assassinés comme tant d’autres au bord des routes de l’Ain. Il y aura 1 survivant dont le témoignage constitue une archive essentielle.

La mission était de créer un paysage mémoriel afin d’évoquer cet évènement dramatique sans dénaturer le site.

Le projet d’aménagement proposé par la paysagiste

A travers l’aménagement proposé, la paysagiste a souhaité conforter l’identité de la prairie comme lieu de mémoire douloureuse, offerte aux populations actuelles et futures.

Le cadre : route, prairie, bois

La route, la prairie et les bois environnants font partie de la scène. De la route, un fourgon est arrivé, des prisonniers en sont sortis pour être tués dans la prairie. Un homme s’est sauvé et a rejoint les bois.

Dans le projet, j’ai souhaité redonner du lien entre la route, la prairie et les bois, et évoquer l’état d’origine. C’est pourquoi, la double haie de laurier cerise (Prunus laurocerasus) qui avait été plantée le long de la route et qui dissimulait la prairie aux automobilistes a été supprimée. L’ancien alignement de mûriers a été replanté. Ainsi, visuellement, la relation route-prairie a été rétablie. La configuration de la prairie et de son merlon périphérique a été entièrement conservée.

L’aménagement de la prairie

Il m’est paru important de laisser s’exprimer le « vide » de la prairie ; ainsi, sur toute la partie centrale, aucun élément vertical n’apparaît. A l’image du Site mémorial du Camp des Milles, à Aix-en-Provence j’ai souhaité faire de la Prairie des 21 fusillés un espace « pour comprendre l’histoire, et agir au présent contre les intolérances ».

L’aménagement de la prairie propose trois entités aux ambiances différentes. Près de la route, dans la partie basse et aux abords de la stèle, se trouve le JARDIN HISTORIQUE ; dans la partie centrale, on traverse le JARDIN MEMORIEL qui permet à chacun d’approcher les gestes faits par les premiers témoins. Enfin, dans la partie haute, adossé au bois protecteur, on trouvera le JARDIN REFLEXIF pour agir au présent et au futur contre les exclusions.

 

Le jardin historique

Pour comprendre l’histoire, je me suis basée sur les travaux effectués par les élèves de CM2 de l’année scolaire 2010/2011 sous la coordination pédagogique d’Eric GILBERT, directeur des recherches documentaires, et de Martine Sollacaro, responsable BCD. Depuis le parking, un cheminement piéton donne accès au chemin forestier et à la prairie par l’angle sud-ouest. Une haie de charmille qui devra être maintenue à 0.9 m de hauteur cadre l’entrée. Un totem présente plusieurs documents présentant ou évoquant l’évènement historique. L’aire gravillonnée qui autrefois entourait la stèle, a été engazonnée pour retrouver la simplicité du lieu. J’aurais souhaité, par l’enfouissement partiel d’un pneu de fourgon similaire à celui qui s’était arrêté là en 1944, donner du lien entre la prison de Montluc, cet évènement local et les autres massacres qui ont eu lieux dans le département de l’Ain. Malheureusement cette proposition n’a pas été retenue pour le moment.

Le jardin mémoriel

Il se situe entre le jardin historique et le jardin réflexif. Il occupe le centre de la prairie où se trouvent trois tilleuls conservés. Il est le lieu même où s’est déroulée la fusillade, où des hommes et une femme sont tombés, plus ou moins proche les uns des autres. D’après les éléments transmis par les premiers témoins, des plaques en marbre ont été gravées portant le nom et quelques éléments biographiques de chacun des fusillés. Ainsi, 21 plaques ont été disposées au ras du sol. Certains regroupements ont été effectués comme les plaques d’un père, tombé le bras sur son fils qui ont été placées très proches l’une de l’autre.

Ces plaques de marbre, allongées sur le sol, comme l’étaient les corps, invitent les témoins d’aujourd’hui, à s’arrêter et à se pencher pour lire les éléments qui y ont été gravés. Ils remontent doucement vers les bois, vers le jardin réflexif.

Le jardin réflexif

Situé dans la partie la plus en hauteur, la plus éloignée de la route, le jardin réflexif est niché au creux du bois. Après avoir cheminé dans la prairie, le visiteur se retourne et se trouve alors résolument tourné vers le grand paysage, son regard passe au-dessus de la prairie. Un deuxième totem propose des documents portant à réfléchir sur le rôle de chacun à lutter contre les discriminations. Ce totem est placé en limite ouest et un banc en marbre invite au repos.

Symbolisant la possible entente et cohabitation fraternelle sur la même Terre, j’ai choisi de planter un bouleau (Betula albosinensis) en cépée, dont le bois prend différentes couleurs sous l’écorce desquamante.

Une des 21 plaques mémorielles (® M. Carrara)

 

Participation des jeunes de l’école de Dagneux lors du chantier de plantation des mûriers

Mime de la tragédie par les écoliers de Dagneux

Panneau d’information dans le ‘Jardin historique’ (® Armony)

Rencontres et témoignages entre les enfants de Dagneux et les familles des victimes